mardi 9 novembre 2010

Brunes/blondes à la cinémathèque française : mieux vaut aller au cinéma!


Je suis allée voir l'expo brunes/blondes au musée du cinéma.
Dans le genre cinéma, Rhââh, lovely, dirait Gottlieb.
Le parti pris d'Alain Bergala, le commissaire de l'expo, est de faire rêver : couvertures de magazines rétros, avec des stars jeunes, jolies, bien habillées et bien coiffées, blanches, très légèrement subversives, un rien libérées, et pour les plus osées un rien lesbiennes, comme au cinéma d'Hollywood revisité par une agence de pub qui vous facturera très cher un plan marketing ambitieux qui vous fera rêver, vos clients et vous.
Mais de faire rêver qui? Car qui êtes vous, destinataire de cette exposition? Un homme, blanc, assez bien établi pour apprécier l'esthétique et les belles créatures des studios Fox, MGM et consorts ; assez à l'aise avec vous-même et vos moyen pour prendre le temps d'un fantasme pendant vos heures âprement méritées de loisirs parisiens. Pas une seconde la couleur de vos propres cheveux n'est mise en question ; il ne s'agit pas de vous ici, mais de vous transporter dans une autre dimension, au royaume lénifiant de la poudre aux yeux et de la béatitude fétichiste.
Le strass noyant le stress, vous oubliez vos pellicules et votre calvitie, et dansent les toisons devant vos yeux émerveillés. Vous oubliez le cinéma réaliste, les dimensions du cheveu qui n'ont aucune chance d'être montrés ici. Les femmes tondues de l'après-occupation allemande, telles que les aurait montrées un émule français de Rossellini ;
les femmes que la chimiothérapie a rendues chauves, et qui sont les premières utilisatrices de perruques tout en relief et en couleurs ;
les femmes aux cheveux blancs, aux cheveux gris, les Madame Rosa et les Maud d'Harold et Maud ;
etc.
Tout au plus apercevra-t-on quelques personnages à l'identité sexuelle ambiguë ; à l'engagement féministe faisant un contrepoint ponctuel à la part majeure de l'expo ; à la construction du mythe de la blonde par le corps politique et social, dans le contexte des années 40 en Allemagne et aux Etats-Unis. Là, on touche l'aspect le plus intéressant de l'expo. Le plus intéressant bien que pas le plus visible. C'est dans une minuscule salle de projection tout à la fin de l'expo que la part la plus déterminée du public assiste à des courts-métrages d'auteurs (pas d'autrice, ou peu) développant le thème du cheveu dans la société contemporaine.
Comment couvrir les cheveux d'une femme mariée s'oppose au déploiement des poils corporels d'un homme, marié ou pas ;
comment des jeunes filles sont conscientes du poids de leur chevelure dans la nécessité déjà indiscutable à leurs yeux d'être belles ;
comment porter la voile en public n'oblitère en rien le déploiement d'apanages de séduction féminine dans l'espace privé ;
etc.
Comme au cinéma, c'est entre les lignes que se donne à extraire la substantifique moelle.
Il faudra que j'en parle à mon coiffeur.
(photo tirée de rue89)

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